À propos

Entre le 1er janvier 2014 et le 25 avril 2015, 22 homicides présentant les caractéristiques d’un règlement de compte, ont été recensés à Marseille et dans ses environs. Chacun a donné lieu à une couverture médiatique le jour des faits. Mais très peu ont réapparu dans l’actualité.

Pour tenter de combler l’écart entre le retentissement initial de ces crimes et le relatif oubli dans lequel ils sont tombés, le groupe d’étudiants que nous avons constitué à l’École de Journalisme de Sciences Po, encadré par David Dieudonné, chef de la rédaction de l’AFP à Marseille, et Jules Bonnard, data-journaliste au service Infographie de l’AFP à Paris, a décidé de reprendre, cas par cas, chacun de ces meurtres.

Objectifs : 

  • en savoir plus sur les victimes et leur environnement,  pour que leur vie ne se résume pas à quelques paragraphes, le jour de leur mort, et une statistique, en fin d’année.
  • rendre compte de la complexité du travail des enquêteurs et des exigences de la justice, en faisant le point sur chaque enquête.

Nous cherchions au fond à réconcilier trois temporalités très différentes : l’instantanéité médiatique, la durée aléatoire de l’enquête et le déroulement codifié de la procédure judiciaire.

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Pour y parvenir, nous avons opté pour le data-journalisme. Parce que les faits sont récurrents. Qu’ils donnent lieu à une statistique. Et que leurs caractéristiques peuvent se ranger dans des cases pré-établies (lieu du crime,  âge de la victime, calibre employé…).

Grâce à l’outil collaboratif detective.io, nous avons construit une base de données, notant scrupuleusement la source de chacune des informations que nous collections pour permettre des recoupements rigoureux et garantir une approche itérative.

Nous avons conscience des limites de notre travail. D’abord le temps : seulement quatre jours de recherches intensives. Puis l’éloignement géographique : nous sommes basés à Paris. Ensuite l’hétérogénéité des cas : certains crimes dataient de quelques jours, d’autres d’un an ou plus — une période à la fois longue et courte puisque les souvenirs commencent à s’effacer et que les enquêtes ont rarement eu le temps d’aboutir. Enfin, la difficulté d’accès aux sources, protégées par l’article 11 du code de procédure pénale qui garantit le secret de l’instruction.

Mais parce que plusieurs de nos interlocuteurs nous ont fait confiance — qu’ils en soient ici remerciés —  la pré-enquête à laquelle nous avons abouti constitue un socle que nous espérons pouvoir enrichir au fil du temps, voire prolonger sur le terrain.

Un “règlement de comptes”, qu’est-ce que c’est ?

La notion est complexe.  Nous avons travaillé à partir d’une définition donnée la préfecture de police, qui combine plusieurs critères :

  • La personnalité de la victime (malfaiteur connu des services de police et/ou supposé être impliqué dans un trafic ou des activités de banditisme),
  • Le mobile supposé de l’action criminelle (différend lié à un trafic de produits stupéfiants, à un partage de butin, à une vengeance ou à des luttes de territoire par exemple),
  • Le mode opératoire « professionnel » (guet-apens, préméditation, volonté de tuer, utilisation d’armes automatiques ou de calibres spécifiques, incendie postérieur des véhicules utilisés etc.)

Notre méthode

Chaque étudiant a travaillé sur un des 22 cas répertoriés dans un corpus de 124 dépêches AFP collectées entre janvier 2014 à avril 2015.

Les recherches ont consisté à :

  • rassembler les informations parue dans la presse locale (La Provence, La Marseillaise, France 3 Provence-Alpes, France Bleu Provence),
  • recouper ces données auprès de sources policières et judiciaires,
  • les approfondir en interviewant, par téléphone, témoins, voisins, famille  – identifiés, à force de recoupements, dans l’annuaire ou sur les réseaux sociaux.

Les informations recueillies ont été renseignées dans des fiches sur detective.io. Cet outil en ligne permet d’éditer de manière collaborative une base de données « en graph », et d’analyser les connexions reliant les informations. Il nous a permis de créer un réseau regroupant quatre grandes catégories: les événements, les territoires, les victimes et les inculpés. Grâce à cette méthode, des liens entre plusieurs victimes, qui n’étaient jusqu’à présent mentionnés dans aucun article, ont pu être établis.

Une visualisation de la base de données dans son intégralité.

Pour faciliter l’analyse de ce type de base de données et en tirer des visualisations, nous avons également exploité l’outil Linkurious.

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Visualisation d’un règlement de comptes extrait de notre base de données grâce à Linkurious

 

À partir de ces informations, nous avons rédigé les articles et créé les infographies reproduites sur ce site. Chacun s’est fixé pour règle de partir du cas sur lequel il avait travaillé pour en dégager un angle transverse, interrogeant des spécialistes du banditisme marseillais, des criminologues et des sociologues.

Les prénoms, pas les noms

Plusieurs médias mentionnent les noms des victimes des homicides sur lesquels nous avons travaillés. Cette option notamment retenue par La Provence — une de nos sources privilégiées — nous a initialement séduite car elle présente l’avantage de rendre leur humanité aux victimes, comme le fait par exemple le site américain Homicide Watch, qui a servi d’inspiration à notre travail.

Au fil de nos recherches, nous avons toutefois observé que nous étions amenés à citer les antécédents des parties prenantes – qu’il s’agisse de précédentes condamnations ou de soupçons (trafics voire meurtre) – autant d’éléments susceptibles de porter préjudice à leur image.

Pour concilier respect des familles de victimes et intérêt du lecteur, nous avons donc fait le choix de ne publier que le prénom et l’initiale du nom des victimes.

Qui sommes-nous ?

Nous sommes 21 étudiants à l’École de Journalisme de Sciences Po.

Camille Adaoust – Lucie Aubourg – Armêl Balogog – Laurence Bekk-Day – Boris Bergmann – Lorraine Besse – Arièle Bonte – Marine Candel – Arthur Cerf – Agathe Charnet – Romain Cluzel – Gilda Di Carli – Roxane Florin – Astrid Garaude – Marianne Getti – Amaury Hauchard – Morgane Heuclin-Reffait – Adèle Humbert – Justine Jankowski – Ghalia Kadiri – Camille Kaelblen

Crédit photo de bandeau : Bertrand Langlois / AFP

Crédit photo d’illustration : Selden Vestrit / Flickr / Licence CC

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